Parmi les agresseurs de nos abeilles, les produits phytosanitaires occupent une place importante. Leurs effets nocifs sur l’abeille ne sont plus à démontrer du fait même de leur usage, qui vise à détruire les insectes (différents stades de développement, familles, genres), les champignons (moisissures) et les végétaux indésirables gênant la production en agriculture et en élevage. Environ 4 000 produits bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché en France.
Comment l’abeille est en contact avec ces produits ?
Quand elle sort de la ruche :
-
-
L’insecte peut se trouver malencontreusement pris dans un nuage de pulvérisateur lors d’un traitement de culture, les microgouttes et microparticules en contact avec la cuticule et les parois respiratoires entraînent la mort rapide par contamination aigüe.
Cependant dans de bonnes conditions d’application des traitements phytosanitaires ces faits ne devraient pas se produire.
Seuls les produits portant la mention « abeille » sur l’emballage devraient être utilisés, en respectant la réglementation, mais ils ne sont pas sans danger,
Les produits présents dans l’eau contaminée des mares, dans les gouttelettes à la surface des feuilles des végétaux traités (guttation), entrent dans l’organisme par ingestion de microquantités, sans que des signes particuliers n’apparaissent.De même, l’absorption de nectar, le transport de pollen prélevé en zones traitées mettent l’abeille en contact direct avec de très faibles quantités de produits toxiques, et n’entraînent que peu de symptômes alarmants, si ce n’est qu’un affaiblissement des butineuses.
-
L’insecte peut se trouver malencontreusement pris dans un nuage de pulvérisateur lors d’un traitement de culture, les microgouttes et microparticules en contact avec la cuticule et les parois respiratoires entraînent la mort rapide par contamination aigüe.
-
Curieusement les expériences ont montré que l’abeille est attirée préférentiellement par les eaux contaminées, les pollens et nectars des zones traitées (néonicotinoïdes).
Dans la ruche :
- L’échange des produits butinés par trophallaxie, le nettoyage par léchage, le nourrissage des larves et de la reine par miel et pollen contaminés, constituent les facteurs principaux de contamination chronique. Un affaiblissement progressif de la colonie est observé : diminution d’ouvrières, du couvain (larves mortes), sensibilité aux maladies.
Il est clairement démontré que la contamination de l’abeille même à très faible niveau par le fipronil (autorisé seulement en usage vétérinaire) et le thiaclopride, la rend très sensible aux maladies notamment à la nosemose. - La qualité de la cire est également mise en cause dans les mortalités de larves en raison de l’accumulation de contaminants dans le matériel recyclé et commercialisé. En effet, par sa forte teneur en lipides la cire favorise la concentration des molécules actives utilisées pour traiter les acarioses de la colonie, et les phytosanitaires d’origine extérieure à la ruche.
- Si les traitements antiparasitaires utilisés en apicultures présentent un risque de contamination pour l’abeille, ce risque est faible lorsque les bonnes conditions d’emploi sont respectées.
Ce qui peut être observé :
Un comportement anormal, agitation, tremblements, agressivité, atonie, larves mortes, abeilles mortes (tapis), disparition de butineuses et colonie faible, ruche quasiment vide d’insectes, avec réserves. Ces indices ne sont pas toujours attribuables aux pesticides, car ils se retrouvent également dans les cas de maladies contagieuses (virales, bactériennes). Photos
Le repérage des cultures et des élevages environnants avec périodes de traitement est un indice qui peut orienter les recherches de causes de mortalités.
Pour en savoir plus…
Ce qu’il faut savoir :
La désignation « produit phytosanitaire » ou « formulation commerciale » représente le mélange de substances mis sur le marché pour répondre à une demande : détruire les ravageurs, les adventices, les moisissures… Ce mélange comprend : la substance active principale (au niveau européen, 423 substances actives sont autorisées), des adjuvants pour assurer sa stabilité, des solvants pour la diluer, des mouillants pour la diffuser sur les tissus et les espaces à traiter, des colorants, des compléments aux mêmes effets ou aux effets complémentaires (par exemple métaux).
Cette composition impressionnante est rarement détaillée et son rôle est déterminant dans l’efficacité du produit vendu, et donc sa toxicité vis-à-vis des organismes non ciblés dont les abeilles. L’efficacité (autrement dit la toxicité) repose donc essentiellement sur le mélange.
Sur le web : Tout savoir sur les pesticides sur le site du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.
Quelles sont ces substances phytosanitaires ?
Les insecticides :
Autrefois, les insecticides utilisés dans notre région appartenaient aux principales familles : organochlorés (DDT), carbamates, organophosphorés, pyréthrinoïdes. Ils présentent de nombreux inconvénients : rémanence et accumulation dans les matrices, apparition d’espèces nuisibles résistantes, toxicité et stabilité mal contrôlées.
Aujourd’hui ils sont remplacés par des produits de nouvelles familles : les néonicotinoïdes hydrosolubles, transportés par la sève dans toutes les parties du végétal (systémie), à partir de la graine enrobée ou pelliculée dans une enveloppe contenant l’insecticide. Une nouvelle substance est proposée : le sulfoxaflor aux mêmes propriétés que les néonicotinoïdes mais moins stable.
Autres substance insecticides (familières aux apiculteurs) de la famille des formamidines : l’amitraze, et les phénylpyrazoles (fipronil).
Le mode d’action des insecticides : les molécules actives visent le système nerveux des insectes, bloquent les récepteurs neuronaux et agissent par épuisement de l’organisme. (Voir cette page sur les neurotoxiques )
Les herbicides :
La bentazone (Basamaïs®), le diuron (Herbonex), le triclopyr (Garlon™), sont supplantés par le glyphosate vendu en nombreuses formulations dont la plus connue est Roundup®.
Leur effet nuisible sur l’abeille n’est pas avéré. Ces produits agissent sur toutes les parties du végétal, graine, tige, feuille, bourgeon, en bloquant certaines activités enzymatiques.
L’emploi très largement étendu contribue à diminuer la biodiversité végétale et donc la nourriture disponible pour les insectes butineurs.
Les fongicides :
L’époxiconazole (Opus®), le foséthyl-aluminium (Aliette®) sont utiles pour préserver les plantes des moisissures. Leurs modes d’action sont complexes. Ce qui est observé dans nos régions : des mortalités massives d’abeilles lors des traitements de colza en fin de floraison.
Les mélanges :
En principe les mélanges de substances ne sont pas autorisés, et les délais entre traitements phytosanitaires doivent être respectés. En effet, la présence simultanée de plusieurs substances aux effets similaires ou complémentaires multiplient l’efficacité (ou la toxicité) et entraîne le dépassement des concentrations présentes en molécules actives et leurs résidus. L’effet cocktail est particulièrement toxique pour tous les insectes.
Pourquoi les OGM ne sont pas acceptables par l’abeille ?
Deux types d’OGM sont actuellement rencontrés.
- Certaines espèces végétales génétiquement modifiées possèdent la faculté de produire des toxines botuliques, secrétées naturellement par le bacille Bacillus thuringensis(Bt) et utilisées en agriculture biologique comme insecticide. Pour obtenir cela, la partie du génome qui permet à la bactérie de synthétiser cette substance est intégrée artificiellement dans le génome de la plante, et cette toxine se retrouve dans l’ensemble des tissus (aux USA coton, blé, colza, moutarde, tomate, pomme de terre…) La toxicité envers l’abeille n’est pas vérifiée dans ce cas, car la toxicité est spécifique. Les organismes visés : lépidopteres (exemple : papillons) et coleoptères (insectes avec élytres : hannetons).
Cependant, « un effet sur le comportement a d’ores et déjà été observé par l’équipe du Pr. Ramirez-Romero qui a décrit une diminution des activités de butinage après exposition au maïs Mon810. Le Pr. Picard-Nicou a montré également, il y a quinze ans, que les abeilles domestiques pouvaient être désorientées par des changements de la qualité des protéines dans les colzas transgéniques. Pour Lilian Ceballos, ce travail « montre que des modifications non intentionnelles peuvent provenir de la relative imprécision de la modification génétique et que ces modifications non intentionnelles peuvent jouer un rôle biologique majeur » ».
(Voir cette page : OGM : l’abeille dans la tourmente) - L’autre cas rencontré : les plantes modifiées pour résister aux herbicides dont l’usage a pour but d’éliminer tous les adventices. Ces plantes (aux USA : coton, soja maïs…) devenues tolérantes aux traitements se trouvent aspergées et contaminées par les herbicides. Là encore l’abeille n’est pas directement visée, mais le « nettoyage » systématique des zones de culture élimine les fleurs sauvages visitées par l’insecte, diminuant encore ses sources nutritives.
Le mode d’action des insecticides : dans la plupart des cas les molécules actives visent le système nerveux des insectes, bloquent les récepteurs neuronaux et agissent par épuisement de l’organisme.